Rapport de soin.

Rapport de soin.

Le primidi 11, germinal 225.

Le patient n’a pas su résister à ses pulsions et a donc finalement récupéré le cadavre de testudine trouvé en son sèvrien chemin la veille. L’odeur insoutenable, la vue atroce des chairs pourries et la présence de nombreux vers grouillants, lui provoquant force hoquets nauséeux, ne l’ont pas empêché de mettre la dépouille en un trou foré de sa cour (non loin d’ailleurs de la tête enterrée qu’il a intitulé « la morte »), recouvert ensuite d’un dôme de verre afin de pouvoir observer paisiblement l’avancement de la décomposition.
Sa trouble et macabre satisfaction à cet égard est vrai symptome d’une perversité fortement écoeurante. Il va de soi que son esprit maladif s’est aussitôt enflammé à l’idée de ce qu’il pourra faire des restes une fois ceux-ci séchés et débarrassés​ des matières organiques (cela n’est nullement exhaustif : continuer l’ornement de son arbre aux crânes, réaliser diverses bijouteries et fastidieuses amulettes grâce aux pattes et aux ossements, créer un freine-temps, un chronophore, et caetera), ainsi qu’à la manière d’integrer le chélonien dans sa mythologie absurde: la Perséphonie, son double iéréïs koruskan et tout le fatras insensé et répugnant et inintéressant qui l’occupe la plupart du temps! Il est ainsi par exemple persuadé que le chélonien émet, par les vertus de sa carapace (enveloppante et résistante), des vibrations protectrices favorisant la persistance du « moi-là » et du « pas-moi-qui-est-là », pour reprendre son imbécile terminologie pseudo-ontologique. Il dit encore : « Le chélonien est chthonnien, propage son énergie vibratile par le lent contact de sa lourde armure avec le sol, comme un merveilleux labour, puis se retire en son atelier pour concocter sa noble substance. rrrrr rrrrrrr roooooo hhhhhaaaa ».
De même, nous l’avons clairement et certainement entendu demander narquoisement – quelle stupide hééérésie ! -: « La tortue monocéphale n’est-elle qu’une janusienne handicapée ? Nnnnombre ne fait loi. » En effet, le phénomène de bicéphalie semble relativement courant courrrrant chez ces animaux, et est, selon lui, « la norme en Perséphonie ». Son intention absurde est-elle tchhhhh de récuser la conception platonicienne des choses ? Il explipliquera, ce chien puant, ce rat crevé, cette saloperie de con, pour sa part ensuite l’imperfection, noOOnn comme image vue au fond de la caverne, mais comme conséquence du frotttttement des deux mondes, tels deux navires dont les coques se frôlent et cognent… iiiiiiiiiii, gnnnn, ourffff. Il dit encore encore encore encore encore encore encore encore encore encore encore qu’en Perséphonie, il est courrrrant, pour poursuivre glgl sur le thème de la multiplicité, que les individus soient pluri-conscienciaux !!!!!! Orgaanisés en famille, en couple, en groupe en groupe en groupe à l’intérieur d’un même corps ou même de plusiiiiiiiiiiieurs ! Il affiFfrme, ineptiiiiiiiiiies, fadaizzzzzzzzes, la véracité dans son monde de la de la la métempsychose eet deee la possibilité de pouvoir s’incarnerner selon son bon vouloir! Ce débile enraAAgé me dégoute ! Chhhhh, prrrrrrrrr, tsib, ghhhhaaa.
L’état du sujet ne cesse d’empirer et nous craignons fort la contamination possible à autrui. En ce sens recommandons-nous fermement la poursuite de sa surveillance intensive et la continuation du traitement et de la posologie, pour rappel essentiellement basée sur l’administration intensive de CnH2n+1OH.

Docteure Perséphone Koruskan
interne des hôpitaux psychiatriques terrestres.
persephonekoruskan@gmail.com
07 83 71 27 01